Publié le lundi 3 novembre 2025
Encadrement des promotions de l’hygiène entretien : « halte aux discours simplistes » [Tribune]
Dans quelques jours, le débat sur la proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur alimentaire s’ouvrira à l’Assemblée nationale. Quel est donc le rapport avec nous, représentants des entreprises du secteur du DPH (Droguerie – Parfumerie – Hygiène), qui fabriquons et fournissons les produits de beauté, d’hygiène et d’entretien vendus dans les rayons de la grande distribution ?
A priori aucun.
Ce texte entend soutenir le revenu des agriculteurs, un objectif légitime et nécessaire. Sauf qu’un article visant à interrompre – avant même d’en avoir fait l’analyse – l’expérimentation en cours pour l’encadrement des méga-promotions sur le DPH s’est discrètement glissé dans le projet, sans consultation préalable des principaux concernés. Or une telle mesure, représente un risque majeur pour la compétitivité de nos entreprises. Est-il acceptable de sacrifier notre compétitivité industrielle sur l’autel de décisions si hâtives ?
Non, en aucun cas, et force est de constater que cet épisode illustre trois maux récurrents qui contribuent à fragiliser durablement l’industrie française.
Consommation contre production : un choix dangereux. Depuis l’entrée en vigueur de la loi Egalim qui limite depuis 2019 les promotions sur les produits alimentaires, la guerre d’image prix que se livrent les grands distributeurs s’est déplacée vers le non-alimentaire, à grand renfort d’affichages de promotions atteignant parfois -70 %, voire -90 % ! Ces méga-rabais spectaculaires ne sont pas sans coût : ils sont financés par les industriels, ponctionnant leur trésorerie et amputant leurs capacités d’investissement et d’innovation. Les rapports parlementaires ont d’ailleurs unanimement reconnu ce phénomène, aboutissant à une solution équilibrée avec la loi Descrozaille : aligner, jusqu’au 15 avril 2026, l’encadrement des promotions du DPH sur celui des produits alimentaires (34 % en valeur, 25 % en volume). Un compromis juste, protecteur de relations commerciales équilibrées, corrigeant un effet de bord qui n’est pas soutenable pour nos entreprises, grands groupes industriels et PME-ETI, sans pour autant nuire au pouvoir d’achat des consommateurs français.
L’instabilité législative : un frein à la compétitivité. Changer les règles en cours d’expérimentation est incompréhensible : les entreprises ont besoin de prévisibilité. La loi Descrozaille prévoit un rapport d’évaluation des effets de l’encadrement dès le 1er octobre 2025. Pourquoi précipiter sa suppression sans attendre ses conclusions et sans même consulter les industriels qui sont pourtant les premiers impactés ? Une telle instabilité découragerait l’investissement et l’innovation et affaiblirait le « made in France » sans apporter aucun bénéfice tangible aux consommateurs.
L’ignorance des réalités industrielles françaises. Affirmer que l’encadrement des promotions bénéficie uniquement aux multinationales est non seulement faux mais revient à ignorer la contribution économique et sociale de ces marques qui produisent et innovent au cœur de nos territoires. Il est question-là par exemple de Soupline à Compiègne, de Sun à Saint Vulbas, de Kleenex à Sotteville-les Rouen…Mais il est aussi question des ETI-PME avec des marques comme Bonux, Briochin, Starwax, Le Petit Olivier, Les Petits Plaisirs, ou SoBio qui sont autant d’exemples de savoir-faire national ou de production Made in France. Oublier la réalité industrielle de toute une filière, fabricants de marques et fournisseurs sur le territoire français, c’est mépriser les 246 600 emplois que représente la filière du DPH en France.
Nous sommes quant à nous convaincus qu’il est possible de conjuguer compétitivité des entreprises et protection du pouvoir d’achat.
Depuis 2012, le prix des marques nationales du DPH a baissé de 15 %, et est au même niveau de prix qu’en 2019 avant les crises du Covid et des matières premières, liée à l’éclatement de la Guerre en Ukraine en 2022 (source CIRCANA).
Encadrer les promotions ne signifie donc pas les supprimer : les distributeurs peuvent en effet continuer à offrir des remises allant jusqu’à -34 %, comme pour les produits alimentaires.
L’encadrement des méga-promotions à un niveau juste et équilibré, sans distorsion sur l’ensemble du magasin, a permis de financer des baisses de prix durable en rayon : en 2024, l’offre DPH a enregistré une déflation totale de -2,5 %, offrant aux consommateurs un gain de pouvoir d’achat de près de 300 millions d’euros. Les stratégies promotionnelles se sont diversifiées : cagnottage, remises immédiates, programmes de fidélité et avantages sur une gamme ou un rayon ont permis de répondre aux attentes des consommateurs tout au long de l’année sans compromettre la santé des entreprises.
Supprimer l’encadrement des promotions sur le DPH maintenant, c’est céder aux discours simplistes, au détriment d’un tissu industriel sans cesse menacé et alors même que l’inflation est derrière nous. C’est risquer de replonger dans les excès passés, qui mettaient en péril la trésorerie de nos entreprises et menaçaient l’emploi local et la vie des territoires. Il est encore temps de faire le bon choix : celui de la stabilité, de la compétitivité, de l’équité et du pouvoir d’achat durable, au bénéfice du quotidien de tous les Français.
Signataires :
Emmanuel Guichard – Délégué Général FEBEA, Fédération des Entreprises de la Beauté
Léonard Prunier – Président de la FEEF, Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France
Virginie d’Enfert – Déléguée Générale FHER, Fédération Hygiène et Entretien responsable
Valérie Pouillat – Déléguée Générale GROUP’HYGIENE, Groupement français des fabricants de produits à usage unique pour l’hygiène, la santé et l’essuyage
Nicolas Facon – Président Directeur Général ILEC, Institut de liaisons des entreprises de consommation