Dominique Amirault (Feef): «La non négociabilité de tarifs doit figurer dans Egalim 2!»

Publié le mercredi 10 décembre 2025

Dominique Amirault (Feef): «La non négociabilité de tarifs doit figurer dans Egalim 2!»

Pour le président de la FEEF, les PME sont garantes de la souveraineté alimentaire française et de la défense des territoires. Mais à condition d’obtenir la non négociabilité des tarifs. Il s’en explique à LSA dans une interview.

La FEEF qui représente les fabricants PME des produits de grande consommation s’inquiète du texte adopté en commission des Affaires économiques. Ce qui ne présage rien de bon pour l’examen en séance publique le 21 septembre ! «La demande des PME d’une maîtrise de leur tarif de vente est ignorée, laissant toujours la main à la Grande distribution pour faire pression à la baisse sur les coûts de transformation. Le poids des multinationales dans les linéaires est destiné à s’accroître avec le renforcement des contreparties, aux dépens de l’offre PME dans les rayons», explique Dominique Amirault, président de la FEEF, « Si les Sénateurs ne votent pas le respect du tarif fournisseur, les PME seront sacrifiées et resteront la variable d’ajustement dans les relations commerciales, au détriment des emplois locaux et de la souveraineté alimentaire ». Voici l’interview de Dominique Amirault à paraître prochainement un numéro du magazine LSA dédié en rande partie aux PME.

Comment vont les PME après ces nombreux mois de pandémie de covid-19 ?

Elles se sont adaptées. Et c’est d’ailleurs le propre des Pme que de s’adapter aux situations qu’elles rencontrent. Même si je dois reconnaître que les trésoreries se sont tendues et que des marges ont été rognées. Preuve de notre résilience et de la bonne santé des PME, nous enregistrons toujours de nouveaux adhérents à la Feef et nos évènements font le plein. Il faut donc rester positif. Et pour y parvenir, je note de bonnes perspectives de croissance grâce à la reprise de l’économie et aux attentes des consommateurs qui réclament des offres venues de PME. A cet égard, selon l’enquête 2021 « Les Français et les PME » (Occurrence), 84% des Français souhaitent que la Grande distribution propose au moins 50% de produits de marques PME dans les rayons. Il s’agit d’un acte citoyen pour soutenir l’emploi local et l’origine France. Les Français plébiscitent donc ce modèle PME enraciné dans les territoires et porteur de sens pour l’ensemble de la collectivité. Au regard des enjeux actuels, la PME française est le modèle d’avenir à soutenir et à développer pour assurer notre indépendance économique et garantir notre souveraineté alimentaire et industrielle sur le long terme.

Que pensez-vous de la proposition de loi Egalim 2 ?

Dès le départ, nous avons soutenu l’idée et même la nécessité d’améliorer la rémunération des agriculteurs. Ce point a clairement été accepté par tous et figure dans la proposition de loi. Malheureusement, le texte voté à l’Assemblée nationale n’est pas satisfaisant. D’une part, il est lacunaire car est absente la nécessaire sanctuarisation du tarif des industriels pour revaloriser les revenus agricoles. D’autre part, il comporte des effets pervers pour les PME, en particulier le retour du ligne à ligne et l’attention portée aux contreparties.. Les grandes entreprises mondialisées obtiennent ces fameuses contreparties et elles sont essentielles pour elles. Mais nous, PME, nous ne pouvons pas les obtenir étant donné nos moyens financiers qui ne sont pas les mêmes et notre poids économique vis-à-vis des distributeurs qui est très inférieur. C’est pourquoi nous nous battons pour obtenir une juste rémunération de tous les maillons de la filière. Il faut pouvoir répercuter les coûts agricoles mais aussi les coûts de transformation et de création de valeur. Une alimentation bonne pour la santé et l’environnement a un coût et une valeur ajoutée. Tout le monde doit en être conscient. La seule façon d’y arriver passe par une maitrise de nos tarifs. Si les distributeurs ne respectent pas les tarifs, comment peut-on assurer le revenu des agriculteurs et assurer l’indépendance de notre alimentation ? Ce principe de la reconnaissance des tarifs n’est pas mis dans la loi et cela nous inquiète. . Ensuite, une fois le tarif respecté, nous pouvons sereinement parler commerce et plans d’affaire. La négociation annuelle devrait porter uniquement sur les conditions commerciales permettant de développer le courant d’affaires entre le fournisseur et chacune des enseignes.

N’est-ce pas là le défaut de cette loi qui est d’abord conçue pour la défense du monde agricole, sans tenir compte réellement de tous les acteurs de la filière ?

Oui. Nous avons soutenu Egalim 2 pleinement et sans ambiguïté. Mais il fallait en profiter pour faire un texte équilibré et cet équilibre n’a pas été trouvé. Cette loi aurait dû être l’occasion, outre la défense du monde agricole, d’être une loi de rééquilibre des relations commerciales entre l’amont atomisé (agriculteurs, PME) et l’aval concentré. Les transformateurs PME sont clairement oubliés par le législateur, alors que le politique souhaite défendre notre souveraineté et le local. Or, par définition, les PME sont locales et participent à l’attractivé et au rayonnement économique et social des territoires.

Mais allez-vous obtenir gain de cause ?

Nous savons que des sénateurs et des députés y sont sensibles, car derrière la maîtrise du tarif, il s’agit de défendre notre tissu industriel régional et les emplois locaux. Aussi, la situation actuelle mondiale de hausse généralisée des matières premières démontre que sans respect du tarif de l’industriel, toutes les mesures prises sont cosmétiques ! Les PME sont les premiers transformateurs de la matière première agricole française. Pour autant, elles restent tributaires de l’augmentation des coûts sur la partie consommable (cartons, étiquettes, bocaux, emballages,…) et sur certains produits d’import indisponibles en France (produits exotiques, épices, café,…). Que ce soit d’ailleurs en marque propre ou en MDD. Les PME vont travailler en soutien et main dans la main avec leurs producteurs et fournisseurs. Il faut que la Grande distribution en fasse de même avec les PME. Quel message adressez-vous aux parlementaires ? Soyez-cohérents, s’il-vous-plait. Aidez-nous à faire respecter nos tarifs pour défendre la souveraineté alimentaire et la préservation de nos terroirs. Faîtes-nous confiance ! Donnez-nous le moyen d’y arriver. Et ensuite nous ferons notre travail d’entrepreneurs.. Quand on est entrepreneur, il ne faut pas craindre l’avenir mais avoir confiance et oser.

Mais au-delà de loi et de son évolution, les distributeurs paraissent très sensibles aux attentes des PME ?

Nous avons des relations très collaboratives avec l’ensemble des enseignes. Nous signons tous les ans des accords avec elles pour trouver des solutions aux problèmes rencontrées par les PME (pénalités logistiques, délais de paiement,…). La grande distribution, en général, a une attitude d’ouverture et d’écoute vis-à-vis des PME. Mais il faut faire la différence entre les règles du jeu réglementaires applicables à tous et les accords contractuels que nous signons en direct avec nos partenaires-distributeurs pour fluidifier les relations commerciales. Vouloir le respect du tarif, ce n’est pas aller contre les distributeurs. En tant qu’entrepreneur, le tarif nous est propre et est de notre responsabilité. C’est une question de dignité pour le dirigeant et son équipe. Nous devrions en avoir la maîtrise, la liberté, comme les enseignes sont libres des prix de vente consommateur à l’aval.

Que pensez-vous du débat sur l’inflation ?

Nous sommes dans un contexte où il n’y a pas d’inflation structurelle avec seulement +1,5% annuellement.. Il n’y a pas actuellement de surchauffe inflationniste. Il ne faut pas être anxiogène et dire que cela va jouer fortement sur le pouvoir d’achat des consommateurs. Cette focalisation à tort sur l’inflation empêche d’ailleurs toute initiative en matière de revalorisation tarifaire. La logique selon laquelle l’Etat a confié à la Grande distribution la lutte contre l’inflation est mortifère pour toute la filière. Au final, les fabricants PME deviennent la variable d’ajustement du pouvoir d’achat des Français. Et alors que l’alimentation ne cesse de baisser dans le budget des ménages. Pour sortir des amalgames, nous avons demandé au cabinet Asterès d’évaluer l’impact d’une augmentation du prix des produits alimentaires sur le pouvoir d’achat des ménages. Il apparaît que cet impact serait très réduit : si le prix des produits alimentaires augmentait de 1 %, le pouvoir d’achat des ménages serait seulement réduit de 0,07 %. L’impact sur les ménages les plus modestes serait de -0,1 %, alors que sur les ménages les plus aisés il serait de -0,05 %.Le risque d’inflation pour s’opposer au respect du tarif est donc un faux débat. … Laissons les enseignes être des commerçants. Laissons les entrepreneurs travailler. Qu’on laisse les marchés jouer. Et s’il y a des excès, ils seront naturellement gommés par la concurrence..

Les PME ont-elles, elles aussi, des problèmes de recrutement ?

Oui c’est évident.. On sent qu’il y a une reprise et nous avons du mal à trouver les salariés recherchés. Rien qu’en agroalimentaire, plus de 20 000 postes ne sont pas pourvus. Les difficultés de recrutement sont le principal frein à la croissance des PME. Ce n’est pas un phénomène nouveau. Nous devons nous adapter pour mieux attirer les talents. Davantage mettre en avant la dimension humaine, responsable et authentique des PME. J’observe aussi que les PME indépendantes font parties des entreprises les plus formatrices (480 €/salarié/an). Mais les PME font-elles encore rêver les jeunes qui ne jurent que par les start-up ? Une TPE est une startup! Les TPE,PME et ETI innovent constamment et se digitalisent de plus en plus. La crise covid a d’ailleurs accéléré cette tendance. Mais ce qui compte ce n’est pas la taille de l’entreprise. C’est d’être entrepreneur pour favoriser notre économie, l’emploi et la transition écologique. Si les millennials recherchent un métier qui a du sens, dans lequel ils contribuent de manière active à un projet créateur de valeur, leur place est dans les PME !

A Propos recueillis par Yves Puget – Source LSA-info.fr – Lire l’article en ligne